Aux premières lueurs du jour, quand le paysan partait au travail, passant devant une croix. Il arrêtait ses bœufs, un instant il se découvrait, se signait, puis repartait, murmurant une prière. Depuis le 16ème siècle, des centaines de petites croix se cachent dans les buissons. Nous ne savons pas leur histoire. Beaucoup ont été érigées après les guerres de religion ou les guerres de Vendée. D'autres après les missions du Père de Montfort ou bien à la suite d'un vœu d'une famille. La population assistait à la bénédiction de ces croix le dimanche après les vêpres. Elles portaient toutes un nom, souvent celui du lieu-dit ou du village. Au matin des rogations, les assistants marquaient un arrêt devant trois croix ou calvaires situés sur le parcours de la procession. Le matin du vendredi-saint, de très bonne heure, on venait "adorer" les croix. Je vous revois croix de mon pays ! Croix de pierre aux virées des chemins, Croix de pèlerinages qui avez attiré les foules pendant des siècles. Croix renversées puis restaurées pendant des périodes moins troublées. Petites croix sculptées qui disparaissent en été sous les hautes graminées. Croix de granit qui perpétuent le nom des familles à d'autres générations. Grandes croix dressées sur une petite niche abritant une vieille statuette. C'est dans cette niche qu'une petite croix de bois ou un morceau de crêpe noir était déposé lorsqu'un cortège funèbre passait devant la croix sur le chemin qui conduisait le défunt vers sa dernière demeure. De petites fleurs décoraient la croix voisine de la maison de la mariée le jour de son mariage. Mais que son devenues les croix de mon pays ? Attirent-elles encore de regard du passant ? De ces hautes croix de bois plantées devant toute la paroisse le soir d'une clôture de mission, que reste-t-il ? Entre les grilles rouillées, seul le sablier entouré d'herbes et de ronces, rappelle encore le souvenir de la ferveur étonnante de cette époque…. Devant ce patrimoine délaissé, des jeunes, émus, se sont groupés pour relever les croix démolies ou à l'abandon… Je me réjouis de voir sur nos routes du Bocage quelques croix déjà restaurées. Et sait-on jamais, peut-être un jour, verrons-nous, à la virée de nos chemins, une croix symbolisant l'élan, la générosité et l'enthousiasme de toute une population du Puy du Fou ?