"
Oyez, oyez gentes Dames, preux Chevaliers !
Allons
ripailler
séant
la
bonne
pitance
et
la
vinasse
gouleyante
et
découvrons
moult
réjouissances
en
ces joyeuses bombances.
Et que badinages et effusions soient de circonstance !
Et que la fête commence !"
Le Moyen Âge atteint une sorte de perfection dans l'art du festin.
Le
type
de
repas
caractéristique
de
l'époque
est
bien
le
banquet,
une
occasion
d'affirmer
son
rang,
sa
richesse et son prestige.
Chez
les
grands
de
ce
monde,
comme
chez
les
bourgeois
qui
peuvent
se
le
permettre,
le
festin
est
donné
à
l'occasion
de
noces,
d'alliances,
de
victoires,
de
naissances
ou
de
tout
autre
événement
important.
Mais
l'art
de
la
"cuisine,"
bien
que
différente
de
notre
cuisine
actuelle,
est
déjà
un
enjeu
social
de
respectabilité et un instrument de prestige.
Au Moyen Âge, l'alimentation est très codifiée et tributaire du rythme des saisons.
La fin du printemps, l'été et l'automne sont des périodes de grande abondance.
L'hiver est marqué par une grande frugalité dont la monotonie est rompue par des festins.
Donner un festin en cette période est la preuve d'une grande richesse.
Le
repas
médiéval
est
entièrement
lié
au
calendrier
liturgique
qui
distingue
jours
gras
et
maigres
et
où la consommation de viande est interdite.
La
religion
chrétienne
impose,
aux
riches
comme
aux
pauvres,
entre
150
et180
jours
de
carême
où
l'on doit manger maigre, sauf pour les jeunes fidèles, les malades et les femmes enceintes.
Au
Moyen-âge,
il
n'y
a
pas
de
pièce
spécifique,
le
plus
souvent
on
mange
dans
les
chambres
dont
le
sol est recouvert de fleurs et d'herbes odorantes.
Mais
chez
les
gens
de
condition
inférieure
on
mange
tous
ensemble,
hommes,
femmes
enfants,
autour de la même table dans la salle commune.
La salle d'apparat est principalement utilisée pour les festins.
Contrairement
à
ce
que
l'on
peut
penser,
la
cuisine
est
tout
en
finesse,
légèrement
acidulée,
haute
en
couleur et épicée.
La
plupart
des
sauces
accompagnant
les
volailles
et
les
poissons
sont
plutôt
acides
(vin,
vinaigre,
verjus).
Il existe toutes sortes de jus acides.
Jus
de
raisins
verts
cueilli
avant
maturité
(le
plus
fréquent),
jus
d'herbes
acides
comme
l'oseille,
jus
de
citrons,
jus
d'oranges
amères,
jus
de
grenades
aigres
(surtout
utilisé
dans
les
pays
méditerranéens),
jus
de
pommes
ou
de
poires
acides,
jus
de
fruits
sauvages
comme
les
prunelles,
les
merises, les cornouilles ou l'épine-vinette.
Tous ces jus verts pouvaient être désignés, dans la cuisine médiévale, par le mot verjus (ou vertjus).
L'aigre-doux est très prisé en rajoutant du sucre, du miel ou des fruits...
La
cuisine
médiévale
est
épicée,
mais
ce
n'est
certainement
pas
pour
masquer
la
piètre
qualité
des
mets.
Les épices utilisées en grande quantité sont principalement la cannelle et le gingembre.
Ensuite,
apparaissent
le
clou
de
girofle
en
poudre,
la
noix
de
muscade,
le
macis,
la
maniguette
ou
graine de paradis, le poivre, la cardamome, le galanga (garingal) et enfin le safran pour colorer.
La
plupart
du
temps,
elles
sont
délayées
dans
du
vin,
du
vinaigre,
du
verjus,
ou
du
bouillon
(parfois
passées
à
l'étamine)
avant
d'être
mélangées
au
reste
du
plat
vers
la
fin
de
la
cuisson
(pour
garder
les
parfums).
L'aspect visuel des mets au Moyen-âge est presque aussi important que le goût.
Les plats ont de belles couleurs vertes, jaunes, orange,...
Mais les épices ne sont pas non plus à portée de toutes les bourses !
Elles constituent un critère de distinction sociale.
Cependant,
le
peuple
ne
se
refuse
pas
non
plus
le
plaisir
des
épices
et
les
plus
humbles
sont
comblés
lorsqu'ils détiennent du poivre, épice devenue un peu trop accessible pour les plus riches.
Pourquoi cet engouement pour les épices ?
Les médecins de l'époque leur confèrent des qualités digestives.
La provenance des épices apporte aussi une part de rêve.
L'Orient est assimilé à une sorte de paradis... etc.
Elles assureraient aussi la longévité ?
Dans tous les cas, la cuisine du Moyen-âge fait preuve d'une certaine diététique.
Peu
de
corps
gras,
peu
ou
pas
de
sucre
(le
sucre
était
plus
considéré
comme
une
forme
de
médication que comme un réel agent gustatif).
Mais,
aussi
un
souci
diététique
dans
le
déroulement
des
repas
(Entrée
de
table,
Potages,
Rôtis,
Entremets, Desserte, Issue).
En
effet,
les
grands
repas
démarraient
par
des
salades
assaisonnées
ou
des
fruits
frais,
destinés
à
ouvrir l'appétit.
Ensuite venaient les potages ou brouets.
Puis les viandes rôties accompagnées de sauces diverses.
Les
viandes
ou
mets
secs
ou
peu
humides
sont
servis
sur
une
plaque
de
bois
ou
de
métal
ordinairement ronde appelée "tranchoir ou tailloir".
Sur
ces
plaques,
on
dispose
des
tranches
de
pain
le
plus
souvent
rassis,
destinées
à
absorber
les
jus
:
"le pain tranchoir".
Les
sauces
étaient
bien
souvent
liées
à
la
mie
de
pain
ou
encore
avec
du
jaune
d'œuf
mais
absolument sans matière grasse (ex : sauce au raisin noir).
Le pain était grillé, trempé dans du bouillon, pilé au mortier et en général passé à l'étamine.
Cette liaison au pain était parfois remplacée par une liaison à la poudre d'amandes.
La
liaison
au
pain
colore
les
sauces
et
donne,
comme
la
liaison
à
l'amande,
un
velouté
différent
sous
la langue et développe les saveurs acidulées et parfumées (alors que la farine les étouffe).
Les
assiettes
n'existent
pas,
les
soupes,
sauces
et
autres
mets
liquides
sont
servis
dans
des
écuelles
qui sont partagées par deux personnes.
Après,
venait
l'entremets,
sorte
de
distraction
entre
les
mets
accompagnés
de
ballade
chantée
par
quelque
barde,
jongleries,
pitreries
de
bouffon,
voire
plats
pastiches
tels
que
des
"pâtés
d'oiseaux
vivants" afin d'étonner ses invités.
Tout
le
monde
profitait
du
spectacle
en
grignotant
de
petites
préparations
salées
(petits
beignets
par
exemple).
Le
repas
reprenait
alors
son
cours
avec
"la
Desserte",
qui
correspond
à
notre
dessert
et
enchaînait
sur "l'issue de table" composée de fromages, fruits ou gâteaux légers.
Des
vins
légèrement
sucrés
accompagnaient
à
merveille
ces
derniers
plats
qui
visaient
à
fermer
le
repas, à accélérer la digestion.
Enfin,
pour
terminer
complètement
le
repas,
les
invités
étaient
conviés
dans
une
autre
pièce
et
chacun
pouvait
purifier
son
haleine
et
faciliter
sa
digestion
en
absorbant
des
dragées,
des
épices
confites ou naturelles, le tout proposé à grands frais par le seigneur.
C'était ce que l'on nommait le "boute-hors".
Ces petites gâteries de fin de repas s'accommodaient parfaitement des vins de Clairet et d'hypocras.
L'hypocras
est
un
vin
blanc
doux
dans
lequel
on
a
laissé
macérer
de
nombreuses
plantes
et
épices
(cannelle, gingembre, cardamome...).
La recette d'Hypocras est attribuée au célèbre médecin Grec Hippocrate (Vème siècle avant J-C.).
Bien
plus
tard
les
chevaliers
furent
conquis
par
cette
véritable
"potion
magique"
et
ramenèrent
la
recette d'Hypocras en Occident.
C'est
grâce
à
ses
saveurs
si
agréables
et
à
ses
vertus
tonifiantes
et
même
aphrodisiaques
(assurait-
on...) que l'Hypocras devient l'Apéritif à la mode au Moyen-âge, notamment.