Comme sa voisine la Bretagne, de tous temps, la Vendée a été le pays des légendes. Pays religieux, ses habitants ont cru à la survivance. Aussi, il n'était pas une paroisse qui ne foisonnait d'histoires de revenants. Les morts restaient en communion étroite avec les vivants et se manifestaient de cent façons. Est-ce par suite de troubles religieux portés en Vendée que les esprits malins ont pris l'habitude de s'y donner rendez-vous ? Est-ce parce qu'après les tueries de la Révolution, trop d'âmes en peine erraient dans la plaine le marais ou le bocage ? Toujours est-il que chaque hiver qui réunissait la famille autour du foyer ramenait des récits que les enfants écoutaient avec un intérêt grandi par la peur. L'étrange histoire qui va suivre nous conduit dans une ville sainte de Vendée : Chavagnes-en-Paillers. En quittant la route nationale 137 pour se diriger vers Chavagnes, l'œil est frappé par l'aspect particulier de l'agglomération qui groupe plusieurs clochers autour de l'église paroissiale. Cette petite capitale religieuse est née après la Révolution de la volonté du curé du lieu, fondateur de séminaire et de deux congrégations religieuses. Au début du siècle dernier s'est déroulée cette curieuse affaire. Mais aujourd'hui, seuls quelques anciens se souviennent encore ... C'était un matin de Toussaint, Mme Unetelle qui habitait à petite distance de l'église devait se rendre à Montaigu pour une affaire urgente. Au 1er novembre, le jour se fait déjà paresseux. Il fallait donc se mettre en route bien avant l'aurore. Aussi notre brave dame avait recommandé à sa servante de l'éveiller de grand matin pour pouvoir assister à la première messe avant de partir... En hâte, elle se lève et se dirige rapidement vers l'église où elle s'installe sur son banc habituel. Chose curieuse à cette heure matinale l'église est pleine. L'assistance quoique nombreuse est silencieuse. Mme Unetelle n'y prête qu'une médiocre attention. Très pieuse, elle s'absorbe dans ses prières... Le prêtre monte à l'autel et, vêtu d'ornements noirs, commence la messe des Morts. A l'offrande, la paroissienne s'agenouille à la Sainte Table. Levant les yeux, elle ne reconnaît pas le prêtre et pourtant son visage ne lui est pas inconnu. Dans sa hâte pour venir à l'église, Mme Unetelle a oublié sa bourse. Aussi, retire-t-elle son anneau de mariage et le dépose-t-elle sur un plateau tenu par un enfant de chœur. A son retour, elle reprendra son anneau en échange d'une riche aumône. Après cette messe de Requiem, elle sort de l'église. Sur la place, pas une âme. Une peur intense étreint le cœur de la pauvre femme. Soudain elle se souvient. Le prêtre qui officiait tout à l'heure n'était-il pas l'ancien curé mort depuis des années ? Et sur les visages inconnus des assistants qui l'entouraient se posent des noms inscrits depuis longtemps sur les dalles et les croix du cimetière. A cet instant l'horloge de l'église donne lentement deux coups : deux heures !... Affolée la paroissienne rentre chez elle. De voyage il n'en est plus question. Quelques heures plus tard elle mettait son curé au courant des événements de la nuit. Incrédule le prêtre pensa à un cauchemar. - Mais Monsieur le curé, je n'ai plus mon alliance ! - Vous l'aurez retiré en dormant. - Non non, je suis sûre de l'avoir donné à l'offrande, je l'entends encore tinter sur le plateau de cuivre ! - Eh bien, allons voir à l'église répliqua le prêtre. Dans l'édifice, rien de changé. On pénètre alors dans la sacristie, chaque objet est à sa place habituelle. Les ornements noirs rangés dans un placard bien fermé, les burettes, rien ne semble avoir été touché. "Vous voyez bien ce que je ... " Le curé n'achève pas sa phrase. Sur une tablette, il vient d'apercevoir en même temps que la paroissienne, le plateau de cuivre des quêtes et sur le plateau, l'anneau d'or. ..