En Mésopotamie, un berger compte ses bêtes ... Pour ne pas en oublier le nombre, il le note sur une tablette d'argile... Cela se passe il y a 5000 ans. L'histoire du "Livre" vient de commencer ... Vers 3500 av. j.-C, les documents écrits se résumaient à de simples listes d'objets représentés par des images : les pictogrammes. Bien plus tard, on utilisa également les dessins pour représenter des sons : les phonogrammes. Vers 3000 ans av. j.-C, les scribes (ceux "qui écrivent") mirent au point des signes cunéiformes (en forme de "clous") gravés dans des tablettes d'argile molle, à l'aide de roseaux taillés. Grâce à cette technique, l'écriture devint plus rapide. A la même époque, en Égypte, les hiéroglyphes (les" signes sacrés ") se présentaient aussi sous forme de pictogrammes et de phonogrammes... Il fallut attendre 1200 av. J.-C pour que les Phéniciens inventent l'alphabet 22 signes représentaient chacun un son et dont la combinaison permettait d'écrire tous les mots d'une langue. Progressivement, grâce aux marchands phéniciens, cette invention se diffusa autour de la Méditerranée. Vers 800 ans av. j.-C, les Grecs adoptèrent à leur tour l'alphabet et le perfectionnèrent en y ajoutant les voyelles. Ils le transmirent ensuite aux Latins. Les hommes furent toujours très ingénieux pour trouver des supports d'écriture : l'argile, le bois, la cire, les feuilles de palmier, la soie ... Ils purent ainsi réaliser des livres (du latin "liber" : le bois), transmettre leur savoir et développer leurs idées. Certains matériaux eurent cependant plus de succès et de longévité que d'autres. Ce fut, tout d'abord, le papyrus, confectionné à partir de longs roseaux que les Égyptiens cueillaient sur les bords du Nil. Avec les tiges, ils fabriquaient des feuilles en superposant perpendiculairement deux couches de végétal. Ces couches, humectées et martelées, se collaient entre elles grâce à l'amidon contenu dans leurs fibres. Les feuilles étaient finalement séchées et polies. Notons que de nos jours, les "Bulles" pontificales sont toujours écrites sur papyrus !... Les peaux de bêtes fournirent également un support d'écriture très prisé. Elles étaient trempées dans la chaux, puis raclées côté "fleur" pour enlever les poils. Encore humides, elles étaient ensuite tendues sur un cadre et la chair était grattée côté "croûte". On obtenait alors du parchemin, c'est-à-dire "des peaux de Pergame", ville d'Asie Mineure qui initia cette technique. On exploita la faune naturelle des différentes régions du monde. Ainsi des peaux de mouton, de veau, de chèvre, de bison, de cerf, de daim furent utilisées. La meilleure qualité de parchemin, le vélin, était fabriquée à partir du veau mort-né... et on aidait souvent Dame Nature ... Des quantités importantes de peaux étaient nécessaires pour confectionner un livre. Par exemple, il fallait 150 peaux de mouton pour recopier une Bible (du grec" biblion", le "livre"). D'ailleurs, pour éviter les hécatombes, on grattait certains parchemins pour y écrire de nouveau. Ces palimpsestes (" grattés de nouveau" en grec) permirent, certes, de réduire les coûts. Mais cette pratique (appliquée également sur le papyrus) détruisit bon nombre d'écrits anciens. Heureusement, le "grattage" n'était pas toujours très réussi et certains textes furent retrouvés, ceux de Cicéron, entre autres. Enfin, arriva un support fin, blanc, pelucheux qui ressemblait au papyrus : le papier. Il était en Chine, au début de notre ère, grâce à l'observation de la guêpe dite" papetière". En effet, cet insecte construit son nid avec une pâte qu'il confectionne en broyant des végétaux, mélangés à de la salive ... Les papetiers chinois fabriquèrent leur première pâte à papier à base de mûrier, de chanvre, de bambou ... Plus tard, au 8ème siècle, les Arabes écrasèrent des "chiffons", des cordes et des vêtements usés, pour obtenir leur matière première. Les Croisades permirent aux Européens de connaître le "secret" du papier... Dès le 18ème siècle, dans les papeteries d'Europe, de lourds maillets hérissés de clous broyaient de vieux textiles dans des bacs remplis d'eau. Quand les réserves de chiffons furent épuisées, au XIXème siècle, on découvrit, fort heureusement, que la pâte à papier pouvait aussi être réalisée à partir du bois, toujours utilisé de nos jours... peut-être de façon inconsidérée pour l'équilibre de la nature ... Ces livres eurent bien des présentations différentes au cours de leur longue histoire ... Les textes s'enroulaient sur l'écorce du bouleau, le papyrus, la soie ou encore le parchemin comme les "volumen" romains. Ils s'étiraient parfois sur des feuilles de palmier, s'allongeaient sur des lamelles de bambou ... L'usage du papier modifia peu à peu l'aspect des livres. On vit apparaître les livres en accordéon, puis les livres à feuilleter qui, bientôt, envahirent tout le marché ... En effet, les" codices" (codex au singulier) permettaient l'écriture et la lecture des deux faces (recto et verso) d'une même feuille. Malgré les marges nécessaires à la couture centrale des cahiers et la reliure, une feuille de codex recevait deux fois plus de signes qu'une même feuille destinée à un rouleau, d'où une économie de la précieuse matière première. Plus compact que le rouleau, le codex facilitait aussi le transport et le stockage des textes. Un rouleau ne pouvait inclure trop de feuilles, sinon il devenait impossible à manipuler, alors qu'un codex comptait, couramment, plusieurs centaines de feuilles, D'autre part, le codex se lisait plus aisément que le rouleau qui avait une fâcheuse tendance à s'entortiller entre les mains embarrassées du lecteur ... Le codex conduisit aussi les scripteurs à plus de rigueur et de précision dans l'élaboration des textes à cause de la possibilité de retour en arrière. Enfin, l'image trouva sa vraie place sur la surface de la page. Indissociable du codex en parchemin, l'enluminure rendit" lumineux"," éclaira" les manuscrits médiévaux. Des lettrines ornées, de grandes initiales peintes et rehaussées d'or, débutaient chaque chapitre et réveillaient l'intérêt du lecteur. Des miniatures rouge vif à cause du "minium", l'oxyde de plomb employé par les artistes pour les réaliser, illustraient les textes de petites scènes, mettant en valeur tel ou tel passage. Jusqu'à la fin du 14ème siècle, tous les livres, des rouleaux aux codices, furent copiés "à la main" dans le calme des monastères. Cette transcription des manuscrits était une activité épuisante : "elle brouille la vue, courbe le dos, écrase les côtes, tenaille les reins ... ", nous confie un moine... C'est grâce à des centaines de copistes laborieux comme celui-là, courbés des heures durant à leur table de travail dans le froid du scriptorium, faiblement éclairé par des chandelles, que la pensée et les connaissances de l'Antiquité et du Moyen Âge nous ont été transmises ... Malgré l'activité inlassable des moines, peu de livres pouvaient être proposés au public ... Au 15ème siècle, tout changera et l'imprimerie sera la seconde naissance des livres. Comment obtenir plusieurs exemplaires d'un même livre sans le copier à la main ? Voilà le grand problème... Dès le 13ème siècle, en Asie, puis, au début du 15ème siècle, en Europe, les hommes gravèrent des textes sur des planches de bois qu'ils encraient et appuyaient contre du papier. Ainsi les textes pouvaient être reproduits plusieurs fois ... mais le bois s'usait, s'encrassait, se fendait vite ... Vers 1440, à Mayence, un certain Johannes Gensfleisch (1400-1468), plus connu sous le nom de Gutenberg, conçut des caractères mobiles, très solides car en plomb durci à l'antimoine ... Il adapta également la presse à vin à son invention. Lorsqu'on serrait la vis avec une barre de bois, une planche, la platine, descendait et pressait la feuille de parchemin, puis bien vite de papier, uniformément contre les caractères. Le premier livre de "grande série" qu'imprima Gutenberg, en 1454, fut la célèbre Bible à 42 lignes dont le texte est disposé sur deux colonnes et enluminé, à la main, comme celui d'un manuscrit. Cette Bible est un incunable car elle fut imprimée avant 1501. L'invention traversa l'Europe comme une traînée de poudre... Des ateliers d'imprimerie, employant un personnel nombreux, apparurent dans les grandes villes, près des universités. Ils fabriquaient en grand nombre des livres plus maniables, plus fiables (les copies manuscrites successives étaient souvent sources d'erreurs) et aussi moins coûteux pour un public qui s'élargissait... Ainsi, plus de 20 millions de livres furent imprimés dans la seconde moitié du 15ème siècle ... Certes, les ouvrages religieux dominaient toujours, mais, peu à peu, les publications s'élargirent à des domaines variés : médecine, botanique, mécanique... Au 18ème siècle, les encyclopédies tentèrent même d'aborder toutes les connaissances humaines. Ces livres qui diffusaient des idées nouvelles n'étaient pas toujours du goût des autorités ... L'Église et l'État contrôlaient les textes à publier. La censure donnait ou non l'autorisation de les éditer. De tout temps et même dans notre Histoire récente, certains livres (et leurs auteurs, parfois !) furent brûlés ce qui prouve leur redoutable pouvoir ... Mais, ce pouvoir, n'est-il pas en train de décliner ? Le livre n'est plus le seul moyen de stockage et de transmission de l'information. De nombreux médias modernes, le concurrencent-ils ou, au contraire, lui donnent-ils une portée encore plus grande grâce au réseau informatique qui relie toutes les bibliothèques du monde et les ouvrent à des millions de lecteurs ?