Pour
les
hommes
du
Front,
terrés,
isolés
dans
un
univers
cauchemarde
que
de
boue, de barbelés, de trous d'obus, il faut garder le moral et l'espoir.
Certes,
il
y
a
les
solides
amitiés
qui
se
nouent
entre
compagnons
de
misère,
mais
ce qui les aide à survivre, c'est le souvenir de figures aimées.
Ils évoquent ceux restés "là-bas".
Les
parents,
les
enfants,
mais
surtout
la
femme,
leur
femme,
dont
ils
espèrent
des nouvelles.
Aussi,
celui
que
l'on
attend
avec
impatience
dans
les
casemates,
c'est
le
vaguemestre et le courrier qu'il apporte.
Pour
les
poilus,
seuls,
sans
famille,
ceux
que
le
romancier
Henri
Lavedan
a
surnommés
les
"mutilés
du
cœur",
on
invente
les
"marraines
de
guerre"
qui
leur
écrivent
régulièrement
et
les
accueillent
lors
des
rares
permissions
et,
parfois,
des idylles se nouent...
D'autres
idylles
naissent
aussi
dans
les
hôpitaux,
entre
patients
et
infirmières
volontaires.
Ces "dames blanches" assistent les médecins, soignent et pansent les blessés.
Leur
seule
présence
est
un
réconfort
pour
les
"gueules
cassées",
ceux
qui
sont
asphyxiés,
aveuglés
par
les
gaz,
ceux
qui
sont
percés
de
balles
de
mitrailleuses
ou d'éclats d'obus, ceux qui devront être amputés.
Leur
douceur
et
leur
patience
aident
tous
ces
malheureux
à
reprendre
goût
à
la vie ou, hélas, à mourir.
Au
pays,
on
attend
les
nouvelles
du
Front
avec
la
même
impatience
et
on
tremble.
Pour
la
femme,
c'est
l'angoisse
de
recevoir,
un
jour,
un
des
fameux
télégrammes
apportés
par
la
gendarmerie
ou
le
Maire,
celui
qui
annonce
la
mort de l'être cher.
Aussi, quel soulagement de voir arriver le facteur ou la factrice !
L'épouse lit la précieuse missive, le cœur serré.
Elle essaie de localiser le lieu où se trouve le soldat.
Mais la censure veille et interdit de donner toute précision.
Qu'importe,
même
si
les
nouvelles
sont
banales,
même
si
les
mots
sont
sans
intérêt.
Ces quelques lignes dérisoires rassurent : il est vivant !
Et pour qu'il vive longtemps, elle prie sans cesse.
D'ailleurs,
les
églises
accueillent
de
plus
en
plus
de
fidèles,
avides
de
réconfort
et
d'espoir.
Des
ex-voto
(tableau
ou
objet
symbolique
suspendu
à
la
suite
d'un
vœu
ou
en
remerciement d'une grâce obtenue) couvrent les murs.
Des
cierges
brûlent
devant
les
saints
protecteurs,
surtout
devant
Sainte
Radegonde, la sainte patronne des soldats.
Des
personnes,
moins
bien
intentionnées,
exploitent
l'inquiétude
des
épouses
:
tireuses
de
cartes,
voyantes
et
autres
diseuses
de
bonne
aventure
qui
prétendent
lire
l'avenir
et
proposent
à
prix
d'or,
des
"gris-gris"
censés
protéger les combattants.
Un lien très fort s'établit entre les couples malgré l'éloignement,
Leurs
pensées
se
rejoignent
et
les
aident
à
croire
au
retour
et
parfois,
c'est
le
choc, l'émotion indicible.
La porte s'ouvre, il est là, celui qu'elle n'osait espérer.
Certes, la permission sera courte, mais comme c'est merveilleux ces heures de bonheur arrachées à la guerre.
Elle s'achèvera, enfin, cette guerre avec un bilan terrible.
Des millions de morts, de mutilés, de survivants amers.
Les hommes doivent admettre que leurs femmes ont évolué en quatre ans.
Elles
ont
su
prendre
leur
place
au
travail
et
n'entendent
pas
retourner
à
leurs
fourneaux.
Elles ont changé d'allure.
Elles
ont
coupé
leurs
cheveux,
raccourcissent
leurs
robes,
portent
le
pantalon
et fument en public.
Mais cette "libération" n'est qu'apparente.
En
fait,
même
si
leur
rôle
a
été
capital
dans
la
victoire
finale
les
femmes
restent
"inférieures", sans le moindre droit civil ou civique.
Le droit de vote, concédé par les députés en 1919, leur est retiré par le Sénat.
Il
faudra,
hélas,
subir
une
autre
guerre
pour
qu'elles
deviennent
des
citoyennes
à
part entière.